Expérience pour goûter la présence

Expérience pour goûter la présence

Bonjour S.,

À travers tout ce que tu m’écris, je vois qu’il y a beaucoup d’incompréhension. Je vais donc tenter d’éclaircir tout ça…

Dans l’absolu, il n’y a pas de but, mais cela ne veut pas dire que les choses n’arrivent pas et que les actions ne sont pas menées. Simplement, cela n’a pas de but. Je sais que pour la plupart des coachs, de psys et des thérapeutes, cela n’est pas cohérent parce qu’il est clairement vu que pour « avancer » et pour se « motiver », les buts et les objectifs sont nécessaires. Et, bien sûr, ils le sont pour l’égo (le sens de l’individualité) puisqu’il croit qu’il doit parvenir quelque part, évoluer, devenir quelqu’un, s’améliorer ou encore réussir afin d’être heureux. Mais de cette façon, tout ce qu’il fait c’est reconnaître qu’il ne l’est pas ici et maintenant et qu’il a besoin de trouver quelque chose ou de parvenir quelque part pour le devenir. Donc, par rapport à cette attente de bonheur qu’il poursuit, il ne peut que continuer à chercher et à avancer, mais il referme alors le piège de sa souffrance sur lui.

Pour mieux comprendre cela, il te suffirait de faire cette expérience :

Regardes attentivement ce qu’il se passe en toi si tu t’imagines pendant une seconde qu’il n’y a ni but, ni objectif, que la vie est sans sens et qu’il n’y a rien à faire. Non pas que les choses ne peuvent pas se faire, ni que les actions ne peuvent plus être, mais simplement que ce qui arrive est ce qui arrive et que tu n’as aucun contrôle là-dessus. Imagines que tu es impuissante. Totalement impuissante.

Je ne te demande pas de me croire, ni de forcer ton mental à croire à tout ça, simplement de faire cette expérience et d’imaginer comment cela serait si tout ça était vrai. Si Tout ceci n’était qu’un rêve et que tout n’était qu’illusion, si tu n’étais pas ce personnage que tu crois et que toutes les histoires de ce que tu appelles « ta vie » n’était en fait qu’un songe. S’il n’y avait nulle part où aller, rien à atteindre, à changer ou à améliorer. Rien que tu doives faire, rien que tu doives penser, rien que tu doives retenir ou forcer. Rien. Imagine qu’il n’y ait que la vie et qu’il n’y ait en fait personne qui vit cette vie, mais juste la vie qui se vit à travers des formes, des corps.

Comment te sentirais-tu ?

Peut-être qu’il y aurait d’abord une certaine résistance parce que c’est difficile pour le mental même de simplement imaginer ça. Puis, si tu essayais encore, peut-être te sentirais-tu  un peu perdue, voire triste de réaliser que tout ça n’existe pas. Mais si tu restes encore là et que tu continues à imaginer tout ce non-sens, cette impuissance, …  Qu’est-ce qui reste ? C’est comment quand il n’y a plus rien ?

Si ton imagination a réussi à t’emmener jusqu’au bout de cette expérience sans qu’aucune résistance n’ai montré le bout de son nez pour empêcher ça, tu auras pu ressentir la légèreté, la paix, le silence.

Et c’est ça que tout le monde recherche. C’est cette paix. Mais cette paix est là et l’a toujours été. C’est simplement ce que nous sommes quand toute recherche s’arrête.

Pour je ne sais quelle raison, certaines personnes, à un moment donné, sont fatiguées de chercher. Elles ne trouvent plus de sens  dans tout ça, ni à la vie d’ailleurs. Et c’est souvent le début d’une forme de dépression ou de « nuit noire de l’âme ». Face à cette expérience, il leurs reste 3 options. Soit, elles restent dans cet état dépressif et ne trouvent pas la sortie, soit elles rebondissent et retrouvent de nouveaux buts, de nouvelles motivations et là, c’est la fin de la dépression, mais le retour au jeu de la vie de l’individu se croyant séparé, soit elles plongent dans cette vérité profonde qu’est le non-sens.

Lorsque c’est cette troisième option qui se dessine, c’est bien malgré eux (les deux autres aussi d’ailleurs), car ce n’est pas du tout facile à vivre. Toutefois, descendre au fond du trou, s’enfoncer au bout des pensées « sombres » pour les regarder en face et découvrir la vérité est la seule possibilité pour sortir définitivement de la souffrance.

C’est accepter le fait que rien n’aie de sens, c’est accepter le fait d’être totalement impuissant, de n’avoir aucun contrôle, aucun choix. C’est se résigner, abandonner, perdre tout espoir. Et là, dans ce qui apparaît être le fin fond du trou noir pour l’égo, la vérité et la paix peuvent se dévoiler.

Cela ne signifie pas que tu ne dois plus travailler ou marcher ou penser, c’est simplement que ce qui arrive est vu comme ce qui arrive et non pas comme ce qui doit être fait dans tel but et avec tel objectif. Bien sûr que dans ce monde il faut travailler pour gagner de l’argent et pouvoir manger et se loger. C’est évident, je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut plus « agir ». Je dis simplement que les actions peuvent survenir sans que nous soyons en train de nous les accaparer, sans que nous voulions en faire un objectif et sans que nous pensions que cela soit notre responsabilité pour x milliers de raisons. C’est beaucoup plus simple que ce que tu imagines. Les choses peuvent se faire sans raison, juste parce qu’elles arrivent.